Adrian Mitchell, militant, poète, dramaturge 1932-2008Un grand poète est mort. Adrian Mitchell poète et militant de la lutte des classes en Angleterre, vient de mourir à 76 ans. Il est inconnu en France, et je ne crois pas que ses ouvrages aient été traduits.
Il est rarissime que la mort d'un poète contemporain me fait réagir; ceci pour une raison que résumait très bien Adrien : "Presque tout le monde se fout de presque toute la poésie, car presque toute la poésie se fout de presque tout le monde."
J'ai rencontré Adrian Mitchell quand j'étais à l'Université. Le comité local de la campagne contre les armes nucléaires était en pleine expansion - on était passé de quelques membres à plus de cent, et on voulait récolter de l'argent. Un concert rock a aidé un peu, et quelqu'un a suggéré un spectacle poésie, que Adrian Mitchell ferait gratuitement.
Ses poèmes comiques et sérieux, criés ou presque chantés étaient extraordinaires. Il parlait de la vie des enfants, de l'expérience d'être un père, et beaucoup des injustices : de la dictature au Chili, de l'arme nucléaire, de l'apartheid en Afrique du Sud, tout cela avec des rimes loufoques et entraînants. J'étais fier de lire pour la première fois en public, devant une manifestation contre la guerre nucléaire, son poème "On the Beach at Cambridge" dans lequel il raconte la vie après une attaque nucléaire.
Lorsque, l'année suivante, l'ambassadeur de la dictature chilienne est venu faire une conférence à Cambridge, et notre manifestation l'a obligé à s'enfuir par les toits, Adrian a écrit un poème comique que nous avons sorti en affiche et placardé partout en ville.
Peu à peu il avait du succès avec sa poésie. Il gagnait sa vie avec (il disait qu'il y avait quatre poètes en Grande Bretagne qui gagnait leur vie en écrivant de la poésie). Il écrivait des livres de poèmes pour les enfants, des poèmes d'amour pour les adultes, des poèmes politiques, des poèmes qui faisaient réfléchir, et il parcourait le pays de lecture publique en lecture publique, dans des salles syndicales, dans les églises, dans les centres associatifs, même de temps à autre dans les universités.
Très critique du système éducatif, il faisait mettre en deuxième de couverture de ses ouvrages une interdiction formelle d'utiliser se poèmes dans des sujets d'examen. Quand, une fois, un examen du bac anglais a enfreint cette règle, il insista pour pouvoir passer l'examen en candidat anonyme. Il n'a pas eu la moyenne.
Lors d'un anniversaire marquant du Prince de Galles, un journal conservateur envoya à quelques dizaines de poètes une commande d'un poème approprié à l'occasion, poème qui "montre le lien profond entre le prince et son peuple..." Adrian répliqua avec le petit poème :
A sa majesté le Prince de Galles
La monarchie est une névrose.
Bon rétablissement!
Un homme qui a toujours voulu communiquer une passion pour la vie et pour la lutte tous ensemble pour une meilleure vie, qui voulait que le rêve d'un autre monde ne s'éteigne jamais. Au revoir Adrian et merci.