SI VOUS ETIEZ LA SEULE FILLE AU MONDE ....
LA MUSIQUE POPULAIRE EN GRANDE-BRETAGNE EN 1916.John Mullen
Université Paris XII Val-de-MarneDans les circonstances les plus terribles, les êtres humains réussissent à se divertir. En 1916, le music-hall vivait de beaux jours. Pas encore sérieusement concurrencé, ni par le gramophone, ni par la radio, le music-hall dominait absolument et constituait une véritable industrie.
Notre contribution vise à explorer la chanson de cette année tragique : les stars et les tubes de 1916. De la chanson de propagande à la chanson d’amour, dans les salles de spectacle ou dans les tranchées, nous verrons comment la guerre a laissé sa marque.
John Mullen est maître de conférences à l’Université Paris XII-Val de Marne, où il enseigne l’histoire de la Grande-Bretagne. Après une thèse sur le syndicalisme britannique dans la fonction publique, il poursuit ses recherches sur le syndicalisme et sur l’histoire de la musique populaire en Angleterre. Il travaille actuellement sur les festivals de musique indo-pakistanaise au Royaume-Uni.
En 1916, alors que les massacres continuent dans les tranchées et que dans la presse les listes des morts et disparus s’allongent, la population en Grande-Bretagne – veuves et épouses, soldats blessés revenus au pays, militaires en permission ou en formation, personnes âgées – s’organise pour que la vie continue. Gardez les feux allumés (1) chez nous dit une des chansons populaires de l’époque.
Si l’économie est de plus en plus orientée vers le seul effort de guerre, le divertissement, populaire ou savant, ne cesse pas. On compte en 1916, rien qu’à Londres, 272 productions différentes au théâtre, allant de Shakespeare au music-hall (J.P. Wearing, 1982). Le music-hall vit de beaux jours dans tout le pays. La une des journaux locaux publie les publicités pour les salles . (2) À Burnley, petite ville textile du Lancashire, par exemple, il y a en 1916 trois music-halls contre un cinéma (qui propose les films muets de Charlie Chaplin et d’autres).
La radio, qui transformera la musique populaire, n’est pas encore à l’horizon. Le gramophone gagne en popularité mais reste hors de portée de la plus grande partie de la population. Pour le prix d’un disque comprenant deux chansons, on peut en 1916 acheter 6 billets pour le music-hall ; pour le prix du gramophone le moins cher, 220 billets.
D’ailleurs, les artistes du music-hall sont les personnages les plus convoités par l’industrie du gramophone. Coliseum, Columbia ou Regal – les producteurs de disques – font tout pour convaincre ces artistes d’enregistrer leurs succès. Si de nombreuses stars se méfient du gramophone, croyant qu’il peut détruire leur carrière car ils pensent que le public risque de ne plus se déplacer pour écouter de la musique, d’autres acceptent – parfois pour que les soldats au front puissent entendre leur travail – de se prêter à l’enregistrement de leurs chansons. (3)
Le music-hall constitue le divertissement populaire le plus important de cette période. Selon The Encore, revue professionnelle des artistes du music-hall, la saison de l’hiver 1915-1916 connaît une fréquentation « remarquable ».
« Quel que soit le nombre de spectacles proposés dans la journée, jouer à guichets fermés est la règle générale... Cela est dû en partie à l’optimisme éternel et bien fondé du peuple britannique. » (4)
Peu de recherches universitaires ont été effectuées sur ce divertissement. Comme pour la musique populaire des périodes plus tardives, les ouvrages hagiographiques ou nostalgiques sont nombreux (voir par exemple W. McQueen Pope, 1957 ou G. Irving, 1968). Colin MacInnes se plaint – en 1967 – qu’ « Il n’existe pas de vrais ouvrages universitaires tels que ceux qui ont souvent été consacrés au théâtre ‘légitime’. » (C. MacInnes, 1967 : 25) Malgré quelques exceptions (P. Bailey 1986, J.S. Bratton 1986, C. Ayme 1999...), la situation ne s’est pas beaucoup améliorée. D’ailleurs, les quelques ouvrages qui existent ont tendance à ne pas aller au-delà de 1914, année perçue comme marquant la fin de l’âge d’or.
C’est donc avant tout dans les revues et les journaux locaux de l’époque que nous avons pu découvrir le music-hall de 1916. Sans doute a-t-on produit plusieurs centaines de chansons de music-hall cette année-là. Nous avons trouvé des informations sur 200 d’entre elles : assez pour avoir un aperçu de la variété de cette forme d’expression, variété qui reste néanmoins bien éloignée de ce qui deviendra possible avec l’essor de l’industrie du disque. (5)
Nous allons tout d’abord décrire le fonctionnement de ce secteur, ensuite examiner comment il contribuait à l’effort de guerre, et, en en parcourant les thèmes typiques, voir ce que ces chansons peuvent révéler des attitudes de l’époque ; enfin, nous regarderons brièvement les chansons des soldats en campagne.
La nature du music-hall en 1916
Remarquons d’abord que le music-hall a bien changé depuis les années 1860 ou 1870. On ne mange plus pendant le spectacle, on paie l’entrée, et non plus seulement les boissons. consommées. Le spectacle a lieu deux fois par soir dans un vrai théâtre, comportant parfois des milliers de places. Le music-hall devient plus respectable et accueille un public socialement hétérogène, qui a payé 4 pennies ou 2 shillings (6 fois plus cher), selon sa place dans le théâtre. Les prestations des chanteurs (sketchs puis chansons, très souvent) se mêlent, comme le veut la tradition, à d’autres numéros très variés – danseurs, tours de magie, « dames acrobates », contorsionnistes, cyclistes, jongleurs, ventriloques et imitateurs d’animaux, ou numéros de natation... Chaque artiste donne son spectacle dans quatre ou cinq salles au cours de la soirée.Mais en 1916 une nouvelle forme de spectacle, plus élaborée – la « revue » – commence à s’imposer. Souvent structurée autour d’un thème ou d’une narration, la revue recrute les mêmes artistes que le music-hall traditionnel, mais leur offre un travail plus stable. Les revues, qui font le tour du pays, permettent une publicité nationale et renforcent la domination des grandes entreprises du secteur. Le plus grand succès londonien de l’année est la revue Three Cheers avec Harry Lauder en tête d’affiche, spectacle qui connaîtra 195 représentations au cours de l’année.
Les entreprises
La musique populaire constitue un secteur économique d’une certaine importance. Une demi-douzaine de grandes entreprises (Star, Feldman, Francis and Day...) emploient des compositeurs et des paroliers, et contrôlent les droits des chansons, qu’elles vendent aux artistes. Une fois par an, à l’occasion de la saison de la comédie musicale de Noël, la pantomime (6) , ces entreprises vendent le droit exceptionnel d’exploiter une de leurs chansons pendant un mois. Le restant de l’année, un seul artiste a le droit d’interpréter en public une chanson donnée. Quiconque en 1916 veut entendre le tube Tout vêtu de kaki doit aller voir le spectacle de Marie Lloyd. Ou bien il peut le chanter chez lui en s’accompagnant au piano : un revenu supplémentaire significatif pour les entreprises provient de la vente des partitions.Dans les pages de la revue professionnelle The Encore, les firmes mettent en pleine page des avertissements concernant le piratage de leurs chansons. Un avertissement du 20 janvier précise :
« La chanson de Feldman ‘‘Un petit coin de paradis’’ NE DOIT PAS ÊTRE PARODIÉE. Les artistes et les théâtres qui utilisent cette chanson seront poursuivis en justice. » (7)D’autres publicités proposent les services de scénaristes (payés à la page) ou tout simplement des chansons clés en main («Vous voulez de nouvelles chansons ? Venez chez Francis and Day ! »).
Les producteurs des chansons ne sont pas les seules entreprises importantes de ce secteur. Les grandes salles de music-hall appartiennent de plus en plus à des chaînes, comme celle de sir Oswald Stoll et celle de sir Edward Moss (Moss Empires) (8). Il subsiste néanmoins un réseau de petites salles indépendantes, qui sert par ailleurs de champ d’essai pour d’ éventuelles nouvelles stars . Les grandes salles comptent 1 000 places ou plus. En 916, Stoll projette de faire construire une extension du théâtre l’Alhambra à Londres, pour passer à 3000 places, mais les restrictions budgétaires de l’économie de guerre ne le permettent pas.(9) Moss Empires qui gère une trentaine d’établissements déclare 132 000 livres de bénéfices en 1915.
Les stars
En 1916, l’association professionnelle, Variety Artists’ Federation, compte 3 600 adhérents. Quelques stars sortent du lot. Harry Lauder, écossais caricatural en kilt, mettant en scène une avarice sans pareille, en est une. Vesta Tilley, qui s’habille en homme pour parodier des « types » d’homme – du soldat en permission au parvenu – une autre. Marie Lloyd, la « reine du music-hall», se permet des chansons « osées » au grand dam des associations moralistes de l’époque (« C’était la première fois que je me faisais poinçonner mon billet » chante-t-elle ) (10). Elle a dû se produire plusieurs fois devant la commission de censure, mais elle réussit en général à changer subtilement les chansons pour échapper à la censure. George Formby senior (le père de George Formby, joueur d’ukulélé connu dans les années 1940), Ella Retford et George Robey sont les autres stars de l’année, ce dernier avec le tube Si tu étais la seule fille au monde à l’automne 1916, qui est encore connu des Anglais de 2006.La mobilisation du milieu du music-hall pour soutenir l’effort de guerre
L’industrie du music-hall soutient activement et avec enthousiasme l’effort de guerre. Bien des artistes et techniciens se sont engagés dans l’armée avant d’y être obligés par les lois de conscription, introduites graduellement en 1916. Les pressions exercées par le public et par leurs collègues de travail sont réelles. En février 1916, The Encore rapporte : « En règle générale, on n’accepte plus d’engager des hommes en âge d’être militaires dans les troupes des théâtres de variété. » (11) Des artistes masculins en âge d’aller se battre sont parfois hués par le public.Les stars n’hésitent pas à participer activement au recrutement. Vesta Tilley s’habille en soldat et chante Bravo à la fille qui aime un soldat, L’Armée d’aujourd’hui est bien et Six jours de permission, mélangeant patriotisme et humour. Elle fait participer à son spectacle les fanfares de l’armée ; on l’appelle « le plus grand des sergents recruteurs de l’Angleterre ».
Harry Lauder forme The Harry Lauder Band qui se produit plus de 500 fois sur la scène des music-halls avec un programme de musique militaire, suivi de discours de recrutement prononcés par des sergents, des artistes ou des prêtres (J. Quigley, 1916). Lors du passage de l’orchestre militaire dans le théâtre où il joue, le grand chanteur George Robey offre « deux shillings à chaque homme qui s’engage ici ce soir ».
Couramment, les artistes des différentes revues qui parcourent le pays donnent bénévolement des représentations supplémentaires dans les hôpitaux militaires. Les entreprises d’édition de chansons envoient gratuitement des milliers de partitions aux soldats en France, « c’est ainsi que les soldats loin de chez eux semblent mieux connaître nos chansons de music-hall que nous au pays. (12) » Les fabricants des nouveaux gramophones leur envoient des centaines d’appareils portatifs. Le milieu du music-hall participe également aux différentes campagnes de collecte d’argent pour aider les soldats blessés. Oswald Stoll met en place un dispositif pour vendre des bons de soutien.
Les thèmes privilégiés
Sans aucun doute, pourtant, le contenu des chansons constitue la contribution la plus importante à l’effort de guerre. Nous allons passer en revue les thèmes privilégiés.A cette époque, avant l’invention de l’adolescence, le conflit entre les générations ne s’entend pas dans la musique populaire : elle est intergénérationnelle. Ceci correspond au vécu des classes populaires : l’apprenti partage rapidement la vie de son père ; la fille devient domestique très jeune, souvent à treize ans. Les chansons exploitent pourtant certains thèmes qui sont encore présents dans la musique populaire britannique d’aujourd’hui : le burlesque, le sentimental, les scènes de la vie quotidienne. Elle table de plus sur des thèmes qui ont très peu d’impact aujourd’hui – le patriotisme notamment. Le ton est surtout bien moins varié que dans la musique populaire de la fin du XXe siècle. Il est généralement extrêmement enjoué ; le tragique n’a guère sa place. L’expression poétique des crises psychologiques du chanteur-compositeur ne compte pas parmi ses objectifs.
Nous allons examiner quelques thèmes représentatifs des chansons populaires de 1916, dans les music-halls du pays, avant de nous intéresser brièvement aux chansons des soldats en campagne.
Moral et patriotisme
Le moral joue un rôle central dans la guerre, et qui dit moral dit musique. Extrêmement populaire en 1916 (13) , la chanson Remballe tes soucis vise à remonter le moral de tous :Remballe tes soucis dans ton baluchon et garde le sourire !
Tant que tu as du feu pour allumer ta clope, souris c’est mieux comme ça.
Ça sert à quoi de s’inquiéter ? Ça n’a jamais servi à rien ! ... (14)[Pack up your troubles in your old kit bag and smile smile smile !
While you’ve a lucifer to light your fag,
smile boys that’s the style
What’s the use of worrying ? It never was worth while
So pack up your troubles in your old kit bag and smile smile smile.]Si cette chanson admet que la guerre est source de soucis, d’autres chansons ont un ton plus didactique et peu subtil. 1914 avait déjà donné Et ils ont chanté Dieu sauve le roi , chanson dans laquelle un Irlandais, un Galois et un Ecossais chantent à tour de rôle une chanson patriotique de leur pays d’origine, avant d’entonner tous ensemble l’hymne national britannique. L’année 1916 nous livre des chansons telles que Envoyez-moi une photo du roi, Les Hommes de Kitchener et J’adore ma patrie. Quelques chansons tentent une propagande explicative : Pourquoi le sang rouge coule-t-il ?
Les chansons destinées à encourager l’engagement dans l’armée expliquent que les soldats auront les faveurs des femmes plus facilement que les autres (Ce sont les gars en kaki qui prennent les filles bien). Leurs parents, entend-on, en seront fiers également (Je suis heureuse que mon fils soit devenu soldat). Marie Lloyd a un succès énorme avec sa chanson Tout vêtu de kaki qui va droit au but :
Tu ne me plaisais pas trop avant de rejoindre l’armée, John,
Mais tu me plais énormément, mon chou, tout vêtu de kaki.[I didn’t like you much before you joined the army, John.
But I do like you, cockie, now you’ve got your khaki on.]La suite explique que la jeune fille ne se laissait pas vraiment embrasser par ce garçon avant, mais que maintenant qu’il est soldat, il aura droit à « un câlin supplémentaire ce soir ».
Actualité de la guerre
Le music-hall s’est toujours inspiré de l’actualité pour une partie de ses chansons, et la guerre fournit une actualité abondante. On avait déjà connu en 1914 la chanson La Belgique a fichu la trouille au Kaiser, qui collait aux événements (interprétés de façon particulière). En 1916, l’introduction des chars sur le champ de bataille – innovation qui laissait espérer aux patriotes une sortie de la terrible impasse de la guerre des tranchées – inspire la chanson (enjouée comme d’habitude) Les chars qui ont brisé leurs rangs là-bas en Picardie.Les boches dans leurs tranchées regardaient et n’arrivaient pas à comprendre.
Ils criaient ‘c’est la marine anglaise qui se déplace sur terre’
Les chars avançaient en flânant, l’air indépendant,
Leurs canons se mettaient à tonner,
Les boches se mettaient à blasphémer
Mais ils déracinaient les arbres
Et les boches avaient l’air détachés
Quand les chars ont brisé leurs rangs là-bas en Picardie.[The hun peeked from the trenches for they couldn’t understand
They cried ‘Here comes the British Navy sailing on the land.’
The tanks went on and they strolled along with an independent air.
And their guns began to blare,
And the Huns began to swear,
But they pulled the trees up by the root,
And made the Huns look quite aloof
Of The Tanks That Broke The Ranks Out In Picardy.]L’ironie pouvait intervenir dans les chansons qui décrivent la guerre. Une des chansons de Vesta Tilley J’ai une jolie petite blessure (15), illustre une autre actualité : le retour au pays de soldats blessés. Elle évoque un soldat ravi d’avoir reçu une blessure suffisamment grave pour le ramener en Angleterre, mais pas trop grave pour en souffrir vraiment. Les rimes forcées donne une impression d’humour noir.
« Quand je pense à ma tranchée, d’où je n’ose pas sortir ma gueule,
Je suis content d’avoir ma jolie petite blessure »[When I think about my dugout, where I dare not stick my mug out, I’m glad I’ve got a bit of a blighty one]
Traité en héros par les infirmières à l’hôpital, le soldat ne croit pas à sa chance :
« Quand elles m’épongent le front, et me donnent du blanc-manger en dessert,
Je suis content d’avoir ma jolie petite blessure. »[When they wipe my brow with sponges/ and they feed me on blancmanges/ I’m glad I’ve got a bit of a blighty one!]
Vesta Tilley n’accuse pas son personnage de s’être infligé lui-même la blessure, mais le public y pensait sans aucune doute : au cours de la guerre près de 3 900 soldats britanniques furent condamnés pour s’être blessés délibérément.
Le mal du pays
Le potentiel pour exploiter le thème du mal du pays est on ne peut plus évident en temps de guerre, surtout après deux longues années de combats. De très nombreuses chansons de 1916 parlent du désir de rentrer chez soi, ou assurent que les gars reviendront enfin. Ces chansons portent des titres tels que Quand on est loin de chez soi, Lorsque les combats sont finis, Maggie chérie, Tommy et Jack reviendront bientôt, Je reviendrai en Irlande un jour, Lorsque les Écossais reviendront... Les soldats en campagne (voir ci-dessous) chantent tout simplement « Nous voulons rentrer chez nous », dans une chanson répétitive.Le sentiment exprimé peut être triste, mais on trouve à nouveau un ton absolument enjoué qui donne une distanciation ambiguë dans la chanson la plus populaire de cette catégorie : Ramenez moi en Angleterre [Take me back to dear old Blighty].
Ramenez moi à ma chère Angleterre/ mettez-moi dans un train pour Londres/ Ramenez-moi là bas/ Laissez-moi n’importe où/ Liverpool, Leeds ou Birmingham, je m’en fiche. /Je voudrais voir ma poule/ faire des câlins avec elle/ Tiddley iddley ighty/ Ramenez-moi en Angleterre/ C’est l’endroit qu’il me faut.
[Take me back to dear old Blighty (16) !/ Put me on the train for London town! /Take me over there,/Drop me ANYWHERE,/Liverpool, Leeds, or Birmingham, well, I don't care!/ I should love to see my best girl,/ Cuddling up again we soon should be,/ Tiddley iddley ighty,/ Hurry me home to Blighty,/ Blighty is the place for me!]
Il est à noter que les chansons sur ce thème mais évoquant d’autres pays jouissent également d’un succès certain. Chez moi dans le Kentucky est très populaire en janvier 1916, et en mars Chez moi dans le Tennessee...
Le front intérieur
Plusieurs chansons de l’année traitent de la situation en Angleterre, comme Les femmes courageuses qui attendent ou Chaque jeune fille fait son devoir. Certaines évoquent des situations particulières provoquées par la guerre. Vous avez besoin d‘un ticket pour ça ironise sur le rationnement ; La contrôleuse de billets dans le tramway prend comme sujet les métiers que les femmes ne faisaient pas traditionnellement mais dans lesquels elles ont été précipitées par la guerre. Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? critique les bureaucrates, les paresseux, les profiteurs de la guerre avec grands sarcasmes.La plus populaire des chansons de l’année sur le thème du front intérieur est une chanson pour remonter le moral : Gardez les feux allumés chez nous, chantée par l’Irlandais John McCormack.
Gardez les feux allumés chez nous/ malgré le vide dans vos coeurs./ Les gars sont peut-être très loin/ mais ils pensent à vous./ Quelque chose de bon est caché/ qu’on voit à travers les nuages obscurs./ Renversez ces nuages/ jusqu’au retour des gars.
[Keep the home fires burning / though your hearts are yearning/ though the boys are far away/ They dream of home/ theres a silver lining/ through the dark clouds shining/ turn the dark clouds inside out/ till the boys come home.]
Identité et xénophobie
Sans doute renforcée par la mixité sociale forcée de la guerre et par la nostalgie des jeunes arrachés à leur région d’origine, la chanson qui traite de l’identité nationale ou régionale est courante. Ces identités sont de toute façon plus fortes à cette époque où les voyages sont beaucoup moins courants. Dans ces chansons, le pays ou la région d’origine est volontiers idéalisé. (L’Irlande doit être le paradis, car c’est de là que vient ma mère). Parfois un spectacle entier utilise cette problématique, comme la revue Irlandais et fiers qui a fait le tour de l’Angleterre.(17) Le mois suivant, une autre revue Nous sommes du Lancashire et nous en sommes fiers prend le relais (18). Parmi les chansons, citons aussi Nous sommes les gars et les filles du nord de la Cornouaille ou Nous sommes les gars de Londres.Cette concentration sur l’identité d’origine peut facilement s’accompagner d’une xénophobie assumée. Même si au moins un groupe – Ciro's Club Coon Orchestra – comprend des Antillais ; le nom de leur groupe (« coon » signifie « nègre ») montre le racisme de l’époque. Les chanteurs blancs maquillés en Noirs sont très populaires à cette époque où peu de gens ont honte d’être racistes (voir M. Pickering 1999). G.H. Eliott « Le Nègre couleur chocolat », notamment, a connu une carrière étincelante.
Le public du music-hall rit volontiers des Irlandais, des Juifs ou des étrangers. Déjà en 1911, L’Espagnol qui m’a gâché la vie avait été un grand succès ; la volonté du parolier de se moquer des Espagnols semble plus forte que sa connaissance de leur culture, car il les présente à une corrida en train d’encourager le matador... en iodlant.
En 1916, la chanson It’s a long way to Tipperary, écrite en 1914, reste très populaire. Son refrain est encore connu aujourd’hui, mais les strophes présentent un Irlandais crétin, stéréotype classique, qui écrit à sa mère en s’excusant des fautes d’orthographe dues à son stylo de mauvaise qualité. Également en 1916, Sergeant Solomon Isaacstein est une chanson antisémite qui présente « le seul Juif écossais dans le régiment des fusiliers irlandais », lequel s’occupe sans scrupules dans les tranchées à s’enrichir en organisant le prêt sur gages. Le texte est d’une violence très choquante – le soldat juif échappe de peu à la mort, incident présenté sur un ton jubilatoire.
L’amour
Si, en 1916, la chanson d’amour ne domine pas la musique populaire comme elle le fait aujourd’hui, elle en reste un élément important. La description de l’expérience de l’amour vue de l’extérieur, avec plus de joie que d’analyse, est plus courante que l’introspection. Le thème de l’amour tragique semble être entièrement absent. Ainsi des chansons telles que Ça lui manque, les bisous de sa dame, Ça m’étonne que je te plaise, La fille si câline ou Il y a un peu de méchanceté dans les filles les plus sages donnent le ton. On peut également citer : Marie de Tipperary c’est la meilleure, Quelle soirée, quelle valse, quelle fille ! Que ça fait du bien d’être amoureux, Je voudrais bien être sage mais les filles ne me le permettent pas....On trouve pourtant une cuvée de chansons franchement romantiques cette année-là. Nous avons déjà cité Quand la guerre et finie, Maggie chérie. On doit ajouter Vous avez volé mon coeur. Mais la chanson romantique par excellence, immensément populaire à la fin de l’année, nous semble profondément marquée par la terrible actualité. Le titre en est Si vous étiez la seule fille au monde.
Si vous étiez la seule fille au monde/ et si j’étais le seul garçon,
Rien d’autre n’aurait d’importance dans le monde aujourd’hui,
Nous ne ferions que vivre notre amour sans rien changer .Un jardin d’Eden construit pour deux personnes seulement,
Rien pour gâcher notre joie.[If you were the only girl in the world/ and I was the only boy
Nothing else would matter in the world today/ we’d just go on loving in the same old way...
A garden of Eden just built for two/ with nothing to mar our joy...]Comment ne pas voir la marque de la guerre dans cet appel pathétique à la disparition des obstacles à l’amour ?
La chanson antiguerre
Accoutumé aux chansons contestataires des quarante dernières années, l’observateur d’aujourd’hui est surpris de ne voir parmi les chansons de music-hall quasiment aucune chanson antiguerre. Les raisons en sont multiples. L’acceptation générale de la nécessité de la guerre a marginalisé l’expression de l’opposition à la guerre, surtout dans les music-halls qui fonctionnent, un peu comme la télévision de nos jours, par consensus, et ne permettent que peu l’expression d’opinions minoritaires. L’artiste qui a besoin de renouveler régulièrement son contrat ne peut se permettre de prendre des risques, et – avant l’arrivée d’un marché de masse lié au développement de l’industrie du disque – il est quasiment impossible de se constituer un public minoritaire mais fidèle.L’opposition à la guerre existe pourtant : en 1916 une campagne « Arrêtons la guerre ! » est menée, et, même dans la petite ville de Burnley, le journal rapporte ses réunions locales, où l’on chante Le Drapeau rouge .) Mais cette campagne mobilise peu. Quelques individus se permettent de huer les orateurs de l’armée dans les salles, mais c’est un phénomène rare. (J..Quigley, 1916 : 60) Avant le déclenchement du conflit en 1914, des chansons antiguerre pouvaient avoir une certaine prise ; une fois la guerre commencée, le patriotisme prend le dessus. Un militant socialiste raconte dans ses mémoires :
« Nous avions l’impression de parler pour les masses quand nous nous opposions à la guerre [qui menaçait]. Juste avant le déclenchement, il y eut une chanson de music-hall extrêmement populaire - on l’entendait partout, dans les ateliers ou dans la rue. Le texte en était le suivant :
Petit homme, petit homme/ Tu veux être soldat...
Tu es le seul fils de ta maman./ Reste chez toi,
Laisse tomber le fusil./ Bats-toi pour ta mère .[Little man, little man/ You want to be a soldier,..
You are your mother’s only son -/Never mind about the gun,
Stay at home/ Fight for her all you can.]Dans le mouvement socialiste nous étions surpris et ravis de voir à quel point la chanson plaisait aux gens. Mais le jour du déclenchement de la guerre, la chanson est morte. C’était incroyable. Personne ne la sifflait plus.» (H. McShane, 1978 : 61)
Les chansons antiguerre au music-hall restent envisageables aux États-Unis qui ne sont pas encore entrés en guerre. Une chanson écrite en 1915 par Will Dillon, un américain qui avait eu du succès à Londres, met en scène une mère qui refuse de voir partir son dernier fils à la guerre. La chanson s’intitule Don’t take my darling boy away. Malheureusement, nous n’avons pu connaître son impact en Angleterre. (19)
La chanson du soldat en campagne
Les chansons du music-hall comptent aussi pour ceux « qui mouraient comme du bétail » (20), « des jeunes gars qui appelaient leur mère en sortant des tranchées pour attaquer » [« young lads crying for their mothers as they went over the top»] comme le disait ma grand-mère. Les tubes du music-hall sont chantés par les soldats en campagne, ou lors des spectacles organisés pour eux à quelques kilomètres derrière la ligne du front.Dans les tranchées de la Somme on ne chante pas. Mais lors des marches, cette pratique est encouragée par la hiérarchie militaire. Si le music-hall domine, il existe aussi bon nombre de chansons inventées sur place par les soldats pour tuer le temps. Ces chansons, si elles ne doivent pas remettre en question le bien-fondé de la guerre et de l’empire, n’ont pas à satisfaire les critères de respectabilité des salles de music-hall en Angleterre, et peuvent traduire plus directement la souffrance des jeunes soldats.
Brophy et Partridge (1965) consacrent une centaine de pages à un recueil et à une analyse des chansons de soldats : satire sur la guerre et sur les hiérarchies militaires, louanges de la vie civile, chansons à boire, chansons burlesques et chansons paillardes. On note facilement que si l’humour est bien présent, on ne retrouve pas le ton enjoué absolument typique des chansons entendues au théâtre.
Les chansons de soldats sont impossibles à dater car elles peuvent devenir populaires très vite, puis disparaître, ou au contraire être chantées pendant toute la durée de la guerre. Nous ne donnerons ici qu’une petite sélection. Dans le genre de la satire, il y a l’autodérision de Fred Karno’s Army, chanson calquée sur une mélodie de cantique qui explique : « Nous ne savons ni tirer ni nous battre, nous ne servons à rien. » La satire va parfois très loin. Dans une autre chanson, on note : « J’entends les cloches de l’enfer sonner (ting a ling) pour toi mais pas pour moi » (the bells of hell are ringing ting a ling for you and not for me).]
Contre la hiérarchie militaire, on chante « Nous avons un sergent-major qui n’a jamais vu un fusil... et quand il voit les allemands, tu devrais voir l’****** courir. » et « Pourquoi tu as rejoint l’armée, tu devais être cinglé ». Souvent on se plaint seulement des conditions de vie avec des chansons telles que Personne ne sait à quel point nous sommes fatigués ou tout simplement Nous voulons rentrer chez nous.
Citons ensuite une des très rares chansons en français (ou presque) dans le texte, chanson qui raconte que le soldat laissera des enfants illégitimes en France, et que cela lui est égal :
Après la guerre finie
Soldat anglais parti ;
Mademoiselle in the family way,
Après la guerre finie.Après la guerre finie
Soldat anglais parti ;
Mademoiselle can go to hell
Après la guerre finie.Mais la plus touchante des chansons de soldats est peut-être celle toute simple, qui pose la question des raisons de la guerre sans vouloir ou sans oser y répondre. On la chante, sur l’air de Ce n’est qu’un au revoir, et on peut la répéter pendant très longtemps.
We’re here because we’re here because we’re here because we’re here ...
Le lecteur qui voudrait mieux connaître ces chansons devra se référer à l’ouvrage de Brophy et Partridge.
Conclusion
À toutes les époques, les chansons qu’écoutent les gens ordinaires donnent un aperçu particulier de la vie sociale. Il est indéniable que le music-hall de 1916 véhiculait avant tout un patriotisme conservateur et populiste, teinté de xénophobie. Cette musique fut un réel outil pour l’effort de guerre. Pourtant, elle nous semble être plus que cela. On peut y voir comment les gens ordinaires interprétaient la vie et réagissaient aux contraintes de la période. Échappatoire et consolation, le music-hall l’est certainement, mais c’est aussi un formidable témoignage de la vivacité des êtres humains dans des circonstances exceptionnellement dures.
Comme l’a fait remarquer Colin MacInnes :
« Puisque les chansons furent écrites et chantées pour l’essentiel par des femmes et des hommes de la classe ouvrière, on peut y trouver une ‘voix du peuple’ qui est absente de la littérature victorienne et édouardienne. » (C. MacInnes, 1967 : 34)
Ceci ne signifie pas que les chansons expriment les intérêts du « peuple », intérêts qui comptaient pour peu dans cette guerre, mais qu’elles peuvent nous renseigner sur les tactiques de survie, sur les représentations et les distanciations utilisées. Une vision qui pourrait également être explorée pour d’autres époques.
ANNEXE
Titres originaux des chansons citées :
All the boys in khaki get the nice girls.
Are you from Dixie?
The army of today’s all right.
Back home in Tennessee.
Belgium put the Kibosh up the Kaiser.
Blighty : the soldiers’ home sweet home.
Brave women who wait.
Fancy you fancying me.
For Killarney and you.
He misses his missus’s kisses.
I do like living in England.
I love my Motherland.
I’ll be back in old Ireland some day.
I’m glad my boy grew up to be a soldier.
I’ve a bit of a blighty one.
Ireland must be heaven for my mother comes from there.
Jolly Good Luck to the girl who loves a soldier.
Keep the Home Fires Burning.
Kitchener’s men.
My little Surrey Home.
My old Kentucky Home.
Nobody knows how tired we are.
Send me a photo of the king.
Sergeant Solomon Isaacstein.
Six days’ leave.
Take me back to dear old Blighty.
The home road.
The lady tram conductor.
The tanks that broke the ranks out in Picardy.
Then they all sang « God save the King ».
Till the boys come home.
Tommy and Jack will soon be back.
We’re all North Country lads and lasses.
We’re here because we’re here.
When Sandy Machie comes back to Inverary (a marching song).
When the fighting’s over Maggie Mine.
When the kiltie lads come home.
When you’re a long long way from home.
Why is the red blood flowing ?
You must have a ticket for that.
Your prodigal son is coming home.
You stole my heart away.BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
AYME C. ‘Les chansons de Music-hall : reflets de la société Victorienne et Edouardienne ?’ in Cahiers Victoriens et Edouardiens N° 50, octobre 1999.
BAILEY, P. (Dir.) 1986, Music-hall, the Business of Pleasure. Milton Keynes : Open University Press.
BRATTON, J.S. (Dir.) 1986, Music Hall: Performance & Style. Milton Keynes: Open University Press.
BROPHY, J. et PARTRIDGE, E. 1965, The Long Trail - What the British Soldier Sang and Said in the Great War of 1914 -1918. Londres : André Deutsch.
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CHANCE NEWTON, H. 1928, Idols of the Halls, being my Music-hall memories. Londres : Heath Cranton.
IRVING, G. 1968, Great Scot : The life story of Sir Harry lauder, legendary Laird of the Music-hall. Londres : Leslie Frewin.
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MACQUEEN POPE, W. (sans date) The Melodies linger on - the story of Music-hall. Londres : WH Allen.
MACQUEEN POPE, W. 1957, Marie Lloyd, Queen of the Music-halls. Norwich : Oldbourne.
MAITLAND, S. 1986, Vesta Tilley. Londres : Virago.
MCSHANE, H. 1978, No Mean Fighter. Londres : Pluto Press.
Oldbourne Norwich 1957
QUIGLEY, Private J. 1916, The Slogan - Sidelights on recruiting with Harry Lauder’s Band. Londres : Simpkin.
ROBERTS D. (Dir.) 2003, British hit singles 16th Edition. Londres : Guinness.
PICKERING M. ‘A profile of Harry Hunter’ in Cahiers Victoriens et Edouardiens N° 50, octobre 1999.
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SHORT, E. et COMPTON-RICKETT, A. 1938, Ring up the Curtain. Londres : Herbert Jenkins.
WEARING, J.P. 1982, The London stage - a calendar of plays and players. Londres : ScarecrowPériodiques
The Encore, A Music-hall and Theatrical Review, revue professionnelle des artistes du Music-hall.
Burnley Express and Clitheroe Division advertiser, journal bi-hebdomadaire de la petite ville textile de Burnley dans le Lancashire.
The Performer, revue officielle de la Variety Artists Federation, association professionnelle du music-hall.
The Phono Record, revue mensuelle pour les amateurs et les professionnels de l’industrie du disque.Disques
Oh it’s a lovely war : Songs and Sketches of the Great War 1914-1918 vol 1, vol 2, vol 3 (4 CDs) Editions CD 41, 2001,2002,2003
Oh What a Lovely War (comédie musicale) Original London Cast Recording, Editions CD Must Close Saturday, 2004
NOTES
1 . Les titres des chansons sont donnés en français (traduction libre assurée par nos soins). Les phrases en italiques sans autre mention sont des titres de chanson. La liste des titres, en anglais, se trouve en annexe.
2. Voir par exemple le Burnley Express and Clitheroe Division advertiser
3. La qualité de ces enregistrements est limitée par la technologie de l’époque, mais leur écoute permet d’avoir une bonne idée de ces chansons dans leur contexte original, alors que les nombreux enregistrements ultérieurs, des années trente ou quarante, sont souvent teintés de nostalgie ou de satire. Certains des enregistrements originaux, désormais dans le domaine public, peuvent être trouvés sur l’Internet.
4. The Encore 13.01.1916. Toutes les traductions sont de nous.
5. À titre de comparaison, 7 294 CD deux titres différents ont été vendus en Angleterre en 2002. (G. Roberts, 2003 :7)
6. La tradition britannique de la pantomime est très différente de la tradition du sud de l’Europe, où elle désigne un théâtre muet.
7. The Encore 20.01.1916
8. Ces deux chaînes avaient vécu une fusion partielle en 1898 pour se séparer à nouveau après quelques années.
9. Ibid.
10. Ainsi par exemple « I sits among the cabbages and peas » a été transformée pour devenir... « I sits among the cabbages and leeks », dans un jeu de mots osé mais intraduisible, qui évoque l’urination.
11. The Encore 03.02.1916
12. The Encore 02.11.1916
13. Bien qu’écrite en 1914.
14. Toutes les paroles de chansons citées dans cet article sont des traductions libres assurées par nos soins.
« I’ve a bit of a Blighty one. » « Blighty one » = une blessure qui permet de rentrer chez soi en Angleterre.
15. Argot de l’époque : Angleterre.
16. Burnley Express... 29.01.1916
17. Burnley Express... 19.02.1916
18. Ibid.
19. Cette chanson, ainsi qu’une autre tube de 1915 aux Etats-Unis I didn’t raise my boy to be a soldier reflétait l’ambivalence des classes populaires américaines avant l’entrée en guerre de leur pays.
20. Du célèbre poème de Wilfred Owen, écrit en 1917, Anthem for Doomed Youth.
Le texte ci-dessus est une version préliminaire du chapitre qui doit être publié dans 1916, la Grande-Bretagne en guerre sous la direction de Henry Daniels et Nathalie Collé-Bak, Presses Universitaires de Nancy